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Lazare médecin atypique

Lazare médecin atypique

c'est la deuxième vie de mon blog Alceste médecin atypique , après une fracture de vie , revenu du royaume des morts , et devant l'entrée de la vallée des ombres mon regard a nécessairement changé


Mon école

Publié par anton ar gwillou sur 30 Novembre 2014, 12:48pm

Catégories : #société

maîtresse d'école
maîtresse d'école

Mon école,

Mon école, n’est pas celle de vos enfants, c’est celle de ma génération quand elle était encore proche de l’idée d’un Péguy , celle des hussards noirs de la république , ou peu s’en faut , « la gloire de mon père » , dans toute son acceptation .

Des enseignants chichement payés, mais fiers de la mission dont ils se pensaient investis, respectés, et respectables, à la morale un peu rigide, « commissaires politiques sur les bords, mais au prosélytisme non sectaires. Profondément intégrés dans le tissu social, ils assuraient souvent les taches de secrétaire de mairie, ou comme mon père des cours du soir pour les travailleurs. Je me souviens l’avoir rejoint dans sa classe , fasciné par les figures géométriques sur le tableau .Croyant au progrès , nouvelle déité, ils en faisaient la promotion sous toute ses formes , apportant dans les villages les nouvelles technologies , mais aussi la culture en se faisant projectionniste, comme je l’ai vu faire .

Mes parents, père et mère étaient de ceux-là, et mon premier souvenir d’école c’est celle dont mon père avait été le promoteur la faisant construire en plein champs conjecturant qu’elle serait en l’espace de quelques années rejointe par l’urbanisation, ce qui fut le cas puisque voulant la retrouver à l’âge adulte je peinais à la situer au beau milieu d’une immense zone pavillonnaire.

La petite école des champs comme je la surnommais, était typiquement constituée, du logement des enseignants, maison au crépi blanc et au toit d’ardoise comme il se doit en région de Touraine, faisant face à un long bâtiment qui recevait la cantine un préau puis les classes. La cour qui nous en séparait était recouverte de sable sédimentaire, et je savais très tôt ce que signifiait le mot cherchant sous les encouragements de mon père les dents de requin. Il y avait un immense portique avec des agrées qui m’effrayait car mon géniteur n’avait rien trouvé de mieux que de me dire qu’à l’armée ont sautait du haut !

Ce monde me fascinait, et j’assistais tous les matins à l’arrivée des élèves à pieds depuis les lointaines fermes, et je les enviais ; je m’amusais à les imiter en sortant de la maison en cachette avec un cartable pour entrer par le grand portail comme les autres. Je m’aventurais discrètement dans le couloir des classes et je me cachais au fond de celle de ma mère, imitant en cela le petit Pagnol.

Ce monde était le mien et je participais aux événements qui marquaient les temps forts de l’année, comme la rentrée, les fêtes traditionnelles, les cérémonies commémoratives, le 11 novembre, la libération évidemment, la remise des prix, les « landi ». AH ça comment expliquer ? C’était de ces fêtes que je qualifierais « d’à la soviétiques », où tous les jeunes en petit short et chemisettes effectuaient des démonstrations de gymnastiques ou des tableaux édifiant. Mon père avec l’inspecteur était la personne importante du jour et je n’en étais pas peu fier. L’école d’alors était au centre de la vie communautaire, et l’on sentait la reconnaissance qu’elle recevait pour ce qu’elle participait à l’ascenseur social. Ainsi, un jour quand nous habitions à Laval, devant notre porte un énorme semi-remorque obstrua toute la petite rue et en descendit un « camionneur » qui vint sonner ; effaré je descendais les marches pour m’enquérir de ce qui se passait : devant moi , un immense et robuste chauffeur se dressa et demanda à parler à mon père que j’appelais en tremblant : quand je le vis se parer d’un large sourire , je compris qu’il s’agissait d’un ancien « du certificat d’étude » ,qui était venu remercier « son instituteur » , dont il avait retrouvé la trace , car disait-il c’est grâce à lui et son enseignement parfois « rigoureux » , qu’il avait pu réussir sa vie professionnelle.

J’ai passé beaucoup de temps dans les salles de classes, autant en dehors des cours que pendant, j’aimais cet environnement, c’était pour moi le lieu où ma curiosité insatiable pouvait assouvir sa soif. J’aimais son ambiance avec cette odeur de craie, et d’encre mêlées ces flagrances d’encaustique, ces relents de vieux livres, de carton des grandes cartes au mur de cahiers empilés sur le coin du bureau, de cuir des cartables. Ce qui pour la plupart faisait trembler, m’était au contraire, une douce stimulation. Et pourtant je n’en n’avais jamais assez. Je finissais toujours avant les autres et ne tenant pas en place, je recevais immanquablement les foudres du « maître », me retrouvant quasiment tous les soirs avec des verbes, au point que je les faisais par avances n’ayant plus qu’à ajouter le motif, du style : je ne gigot-erai plus (il y avait de toute façon toujours un plus à la clé !). Je peux dire merci à mon instituteur, car je connais mon subjonctif sur le bout du doigt !

La pédagogie était sommaire mais efficace, « les leçon de choses" apportaient toutes les notions nécessaires à la vie de tous les jours, le calcul permettait de répondre à toutes les exigences comptables ou technologiques de la vie quotidienne, l’écriture et la lecture, donnait à chacun la capacité de lire et surtout de comprendre le contenu d’un journal ou un formulaire administratif, d’écrire toute lettre nécessaire. La morale (républicaine s’entend) était enseignée en début de leçon avec ces règles de conduite dignes du « manuel d’Epictète », que le maitre écrivait de sa belle écriture à la craie au tableau et que nous découvrions quand nous rentrions dans la classe, avec le programme des réjouissances de la journée. Cahiers impeccablement tenus, et ce fameux cahier du jour tenu à tour de rôle par chaque élève, on pourrait en dire un roman. J’allais oublier l’écriture à l’encre violette avec nos chers porte-plume armés d’une « sergent major » par exemple, les pleins et les déliés, mais aussi les pâtés !

Chaque moment de l’année ou de la journée , était ritualisé, depuis la remise des livres et cahiers(tout était gratuit à l’époque), de la rentrée, en passant par les travaux pratiques à l’occasion des divers fêtes ou célébrations, et pas seulement la fête des mères( survivance vichyste incongrue) , jusqu’à la fameuse remise des prix , l’occasion pour moi, de me délecter avec ces beaux livres de la collection « rouge et or ».

Cette école m’a beaucoup donné, même si je suis souvent resté sur ma faim, mais je découvrais dans le même temps que mes compétences si « particulières » seraient sources de bien des déboires et même souffrances. Je commençais à comprendre, quand mon père m’annonçant un jour, après ce test bizarre que j’avais subi en cm2, que j’étais un surdoué, pourquoi, j’avais tant de problèmes avec l’autorité, et surtout avec mes « camarades », dont je devais supporter l’hostilité, et qui devait me faire recevoir ces sacrées « bonnes notes » , comme des malédictions !

morale républicaine

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