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Lazare médecin atypique

Lazare médecin atypique

c'est la deuxième vie de mon blog Alceste médecin atypique , après une fracture de vie , revenu du royaume des morts , et devant l'entrée de la vallée des ombres mon regard a nécessairement changé


Mes Arbres

Publié par anton ar gwillou sur 22 Novembre 2014, 12:04pm

Catégories : #mémoire de vie

les arbres qui jalonnent la route de ma vie
les arbres qui jalonnent la route de ma vie

J’ai rencontré des arbres comme on le fait de n’importe quel être vivant. Ils représentent cette sérénité inébranlable qui affronte l’éternité, et chacun a sa propre personnalité ; du reste ce n’est pas avec les humains que j’ai fait mes plus belles rencontres. Il me souvient d’une biche en particulier. Une nuit où je fus appelé sur ma garde, quand j’habitais dans cette ferme du Béarn, devant le faisceau de mes phares une biche s’est arrêtée. Elle a tourné son regard vers moi et nous avons échangé comme ça , un temps qui m’a paru durer un éternité , puis d’un bond elle et partie , je suis resté un long moment subjugué par cette rencontre .

Le premier arbre qui a marqué ma mémoire est un noyer. J’avais 4 ou 5 ans , et mon grand-père paternel qu’on surnommait en référence à notre langage enfantin , pépé ilot versus Guillot , m’avait emmené me promener sur ce chemin dénommé « le crotacul » , au départ il y avait cet immense noyer , solitaire , parmi les champs , qui accueillait les promeneur ou plus souvent à cet époque les paysans . Mon grand-père m’a alors demandé à quoi servait le bois des noyers, devant mon mutisme il m’asséna : à faire les crosses de fusils ! j’avais trouvé ça triste et effrayant, d’autant plus que j’étais immergé par mon autre grand père, dans la grande guerre .Je trouvais cela tellement sinistre qu’un arbre serve à faire des crosses de fusil.

Et puis, il y a eu les troènes, de la ville après notre départ de Luynes pour Tours j’avais 6 ans, je n’avais jamais été à l’école sauf comme dans la gloire de mon père, au fond de la classe de ma mère. La ville c’était cet immeuble si loin de notre petite école des champs, la grande école si différente de celle de mes parents au milieu des cultures avec ces solides gaillards du certificat d’étude de mon père, dont nous étions mon frère et moi les mascottes .J’avais pitié de ces arbres dont le pied était emprisonné dans ces plaques de fer ajourées, comme des forçats enchainés au bitume .Ils avaient cette écorce vert de gris , qui se décollait , comme s’ils dépérissaient du fait des gaz de la ville . Je ne peux voir ces arbres sans ressentir une immense tristesse.

Ensuite ce furent, les jolis pommiers printaniers de la Mayenne, ce « pays de bocage » comme disait mon père, faisant sa leçon de chose comme tout bon instituteur de l’époque. J’ai dit dans un autre texte, comment le monde m’apparaissait pendant l’enfance comme une succession de cartes géographiques, de celles qui étaient accrochée au mur dans les classes quand l’école était encore celle de la république. Pour moi, pas de simple montagne dans le jura, mais « un plissement jurassique » ! Pas de château pour jouer à la guerre, à Jublain en attendant la fin de la classe de ma mère, mais un camp gallo-romain !etc. etc. Le pommier : « richesse des marches de Bretagne, pays producteur de cidre ». Pourtant ils étaient bien joli ces pommiers, comme des pêchers du japon, au printemps, et puis on mangeait, comme des fruits défendus ces pommes à cidres si aigres, ou on se faisait la guerre en se les lançant à l’aide d’une trique comme mon père me l’avait enseigné, enfin cet odeur, de fermentation, qui reste pour moi comme une « madeleine de Proust.

Puis les sinistres platanes du Lycées Ambroise Paré, qui évoquait pour moi immanquablement le roman de Gilbert Cesbron « notre prison est un royaume ». Je ne peux les voir sans avoir un serrement de cœur, tant ce lycée est synonyme de souffrance, d’humiliation, je n’aime pas les platanes, pire que les troènes. Bien différents furent les mélèzes du parc du lycée Henri rousseau où je vivais deux de mes plus années d’adolescence, et qui abrita mon grand amour Catherine .J’adore les mélèzes, avec leurs frondaisons imposantes qui nous cachaient, couchés sur l’herbe, ce parfum de pin, cette belle couleur d’un vert profond. Les mélèzes sont devenus, synonymes de nostalgies, celle de mon adolescence.

Mes longues années d’études, me firent retrouver ces sacrés platanes, des grands hôpitaux, aussi malades que mes patients, ou ceux en bas de l’immeubles que nous habitions avec ma femme. Heureusement il avait aussi les pins parasols des bords de plages de ma chère Bretagne, celle de nos vacances, et qui nous abritaient tout en dispensant leurs douces effluves, pendant que ma peau séchait du bain dans cette mer qui à chaque fois m’était un bain de jouvance.Les vacances, les virées avec mon frère, en dériveur, le bonheur simple et sans soucis. Plus tard les oliviers de l’Espagne, dernières vraies vacances pendant mes études. Cette incroyable chaleur, qui nourrissait ces magnifiques troncs tordues par les températures extrêmes, leurs belles olives qui brillaient, mais aussi les citronniers, des plantations, fraiches de l’irrigation, et qui nous laissaient savourer les fruits juteux tombés à terre.

La vie s’est écoulée ou plutôt écroulée. Il n’y avait plus d’arbres pour me soutenir, je n’en vois plus dans mes souvenirs, cette succession de souffrances, d’échec, de fuites en avant, plus d’arbres, le désert. Et pourtant si, dans ce Béarn, ma dernière espérance de bonheur, avec ce magnifique chêne dans le champ attenant à notre ferme où nos chevaux venaient trouver la fraicheur. J’aimais aller les chercher là pour les monter ou simplement les caresser, avec mes filles qui couraient autour de moi. Magnifique chêne comme celui de la Fontaine, comme j’aurais aimé être fort comme lui, mais comme dans la fable je fus déraciné.

Je suis parti dans les caraïbes, paradis terrestre, tel que celui peint par le douanier Rousseau,ou Gauguin, c'est selon, les palmiers, les bananiers des plantations, qui jouxtaient notre maison, la mangrove en bordure de plage et cette eau de la genèse si chaude qu’on y restait des heures à penser. Et puis le drame, la fin de ma vie d’homme, et me voilà levant la tête pour admirer cette haute futaie de chêne (j’aurais envie d’orthographier : chaines) , dans mon fauteuil , pendant mon séjour en centre de rééducation .

« L’œil était dans la tombe et regardait Caïn »il n’y a pas d’arbre dans une tombe , je suis resté dans ma tombe 3 ans , je n’arrivais pas à accepter la mort , que ce soit déjà fini , c’est si court la vie, et je l’aimais tant , il y a tant de choses que j’aurais voulu voir et faire encore !Un doigt divin , il faut le penser comme ça, d’une pichenette m’a éjecté de là où je pourrissait, et me voilà devant l’entrée de cet hôpital pour tenter d’en reprendre un peu de cette chienne de vie, même un ersatz, comme un drogué , encore un peu , juste un peu . Il y a un chêne qui m’attend à l’entrée de cet établissement, j’espère qu’il n’est pas du bois dont on fait les cercueils !

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M
Wow… puissant… <br /> Bravo Papa. Comme toujours, c'est plein de sensibilité. Tu sais, dans tes textes je ressens la meme nostalgie et la meme douleur que dans les textes de Pagnol, que j'ai lu petite. &quot;Telle est la vie des hommes. Quelques joies, très vite effacées par d'inoubliables chagrins. Il n'est pas nécessaire de le dire aux enfants.&quot;<br /> Magnifique.<br /> Quant a ton blog, vraiment superbe, beau travail!
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