C’est noël, et comme le curé des «contes de mon moulin », chacun expédie vite la messe des bons sentiments, salivant à l’idée de la débauche culinaire qui les attend.
Pourtant noël, désolé mais je déteste, c’est comme un vieil amour qui se rappelle à vous, si doux et si douloureux en même temps, exquisément douloureux comme on dit dans notre jargon de médecin.
Ces noëls d’enfants tout de rêve et de bonheur simple, oui je l’avoue je les ai aimés, oui, beaucoup, et je garde encore en moi l’odeur de résine du sapin qui annonce les cadeaux tant attendus, car à notre époque pour le privilégié que j’étais, deux cadeaux par an c’étaient tout, et je peux vous énumérer tous ces jouets que j’ai gardés dans mon cœur à défaut d’avoir pu les conserver, disparus lors de nos multiples déménagements !!!!!
Ces noëls , tout un cérémonial , auquel nous adhérions mon frère et moi , je pressentais intuitivement que nous accomplissions la messe des noëls passés et perdus pour mon père qui n’avais connu que la faim et la tristesse dans cette enfance qu’il avait cherché à préserver pour nous .
Dans la première partie de ma vie j’ai accompli le rituel mystique pour mes enfants, tout en gardant une réserve, quand à la légitimité de cette fête commerciale. Quand avec mes enfants nous sortions des magasins les bras chargés de victuailles dans la très catholique et très bourgeoise ville d’Angers et que nous croisions un mendiant j’obligeais mes enfants à ne pas détourner le regard et j’allais à lui une pièce à la main, et si on me faisait une remarque, je répondais qu’il y aurait ce soir plus de viande saoul que de mendiant, sur terre.
Quand j’ai pris mes premières gardes d’externe aux urgences à noël j’ai compris à quel point cette fête était cruel car la solitude et le désespoir y sont plus grand qu’à n’importe quel autre moment de l’année pour les déshérités de la vie.
Mon karma, me fait pénétrer de plus en plus profondément dans ces réalités que notre société lobotimisante cherche à nous dissimuler, me tient éveillé au milieu de cette saoulerie qui veut nous faire passer de vie à trépas sans conscience !
Aujourd’hui je remercie « les bienveillantes» des vicissitudes qu’elles m’imposent car elles me rapprochent de cet autre monde et par-delà les mers qui souffre et reste seul.
Sous les hospices de notre président candidat, qui nous fait un rappelle du « travail famille patrie » du tristement célèbre gouvernement vichyste, les média se déchaînent pour nous rappeler au devoir de consommer, glorifiant cette famille bourgeoise que Gide a vilipendé. Est-ce un reste de son admiration pour François Mitterrand, décoré de la francisque d’or, qui le fait décréter cette déchéance de la nationalité, toujours est-il que jamais je n’ai souvenance d’une telle débauche médiatique. Jusqu’à cette chaîne qui a osé faire un reportage sur le marché de Versailles, avant le réveillon, s’étendant complaisamment sur l’orgie annoncée et les étalages de fruits de mer aux prix astronomiques, interviewant de magnifiques exemplaires de cette riche bourgeoisie versaillaise, la même qui fusilla les communard. Pendant ce temps, les malades, les abandonnés, les SDF, les migrants se sentent encore plus exclus, culpabilisés d’être ce qu’ils sont. Un peu à la manière de ce publiciste que disait qu’à 50 ans si on n’avait pas une Rolex on avait raté sa vie .Moi je pense, à ces enfants des favelas, qui n’auront ni sapin ni gras chapon, auront-ils seulement un jouet ce jours-là.
Malgré tout comme on disait à mon époque :
Paix sur terre aux hommes de bonne volonté et vive l’esprit de noël