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Lazare médecin atypique

Lazare médecin atypique

c'est la deuxième vie de mon blog Alceste médecin atypique , après une fracture de vie , revenu du royaume des morts , et devant l'entrée de la vallée des ombres mon regard a nécessairement changé


Enfance et prémonition

Publié par anton ar gwillou sur 23 Décembre 2015, 08:28am

Catégories : #TRAJET DE VIE

Enfance et prémonition

Je relis ce texte écris il n’y a pas si longtemps avant que mon destin ne se manifeste brutalement. Je le relis alors que je ne suis plus qu’un ersatz de moi-même. Comme il était prémonitoire. Je ne crois pas que je doive en changer une virgule, mais je vais juste ajouter entre parenthèses quelques commentaires , temporellement décalés)

Quatre heures du matin, je me brosse les mains avant d’entrer au bloc pour faire naître un enfant à la mode de césar ! Un de plus ! Un, qui peut être justifiera mon existence sur terre.

Je regarde ces mains que je lave avec concentration, en remarquant les stigmates de l’âge : ces veines un peu trop bleues, cette tache pigmentaire qui signe l’impitoyable avance de l’âge, malgré les apparences. Je réalise soudain que c’est toujours un regard d’enfant qui examine ces mains. Elles lui semblent extérieures, comme ne lui appartenant pas, comme si, une âme dans un corps regardait avec étonnement cette enveloppe mortelle et imparfaite. Ce sentiment d’être comme un scaphandrier qui évoluerait dans une mer vitale je l’ai depuis presque toujours .Il remonte à ma première expérience d’accès à la conscience ;

Mon premier regard conscient sur le monde je m’en souviens très bien .je devais avoir 4 ans environ, j’étais dans la cuisine de cette petite école des champs, et je regardais la cour à travers la fenêtre, Suzanne, notre nounou (hé oui les enseignants avaient les moyens à cette époque) me préparait un chocolat .Soudain j’ai remarqué une « fenêtre » (je ne connaissais pas le mot probablement) et j’ai vu !!!!! j’ai vu le monde « extérieur » .J’ai ressenti cet étonnement mêlé de fascination, à l’idée que j’existais et qu’il y a avait un monde que j’observais mais déjà avec cette extériorité qui ne me quittera plus, tant j’ai gardé cette habitude de tout vivre comme un spectateur passif. Dans le même temps j’avais cette impression qui ne m’a jamais quitté que c’était comme si un autre regardait à travers mes yeux

Ainsi je suis resté un spectateur incrédule de la vie, avec cette angoissante impression que je ne maîtrisais rien ou rarement. Juste comme en dériveur : un petit coup de barre de temps en temps pour rectifier le cap et c’est tout, mais un départ au lof et je pouvais dessaler, ça je le savais

Je me suis longtemps interrogé sur le fait de savoir si j’étais le seul à avoir cette impression, si j’étais différent ou parfaitement banal ; mais aussi sur mon utilité sur terre, le sens de mon existence, et pourquoi je vivais alors que d’autres mourraient prématurément.

Le temps passe et je n’ai toujours aucune réponse à ces questions ou si peu. J’aime à me dire que peut être par mon métier j’ai participé à quelque chose d’utile, comme une pierre dans un gigantesque édifice.

Mais ce souvenir « primal » m’a si profondément marqué qu’il me suffit maintenant pour revivre cette époque de fermer les yeux et ainsi je peux me promener dans notre petite maison tel un fantôme parcourant chaque pièce, revivant les petits faits de ma très jeune vie avec ce regard qui me trouble tant, mélange de celui d’un adulte ironique et de celui d’un enfant découvrant.

Est-ce le signe d’une mort prochaine, ma petite enfance revient sans cesse à ma mémoire.( non ce n’était pas la mort , mais bien pire) Il n’est pas de nuit (comme toute bon obstétricien je suis un peu insomniaque), où, errant dans ces minuscules couloirs de la petite maison, et dans ces sinistres salles de classes désertés par leurs fantômes, je ne revive cette douce et empathique période de ma vie.

Je revois la cour et le portique qui me terrifiait car mon père, grand pédagogue mais piètre psychologue, m’expliquait qu’il fallait sauter de son sommet à l’armée.

Cette cour miraculeuse, au revêtement des sables du bassin parisien qui contenait des fossiles, des dents de requins du temps des dinosaures, comme mon père me le démontrait en brandissant fièrement une dent, sous mon regard incrédule.

Et puis au-dessus, le préau, à gauche la cantine et la chaufferie lieu d’un épisode si comique de la petite enfance, à droite les classes auxquelles on accède par un long et terrifiant couloir même si les vêtements des élèvent accrochés aux patères ont quelque chose de familier et rassurant. En passant devant la porte de la classe de mon père, je tremble encore puis il y a celle de monsieur L. , si discret , enfin celle de ma mère dont je pousse la porte discrètement comme je le faisait. Cette mère qui restera pour moi derrière son pupitre toute sa vie, avec cette distance qu’on accorde à l’élève. (Elle redeviendra ma mère tout court, une fois mon destin accompli)Je revois les tables, les cartes, cette odeur de craie et d’encre violette qui imprègne tout, et les fenêtres qui appellent l’élève vers ses champs, les mauvais coups, la franche rigolade loin du maître et sa morale laïque républicaine. A ce propos, élevé dans un anticléricalisme primaire, j’ai toujours mal vécu cette loi morale qui m’empêchait de participer à de nombreux rites, fêtes, célébrations, mais surtout, je pressentais déjà que tout un pan de la culture, de l’histoire, aller m’échapper si je ne faisais rien. Quand nous allions sur la tombe de ma grand-mère puis de mon grand-père, aucun rite aucune parole ne venait soutenir l’imaginaire assoiffé, et le questionnement bouillonnant de l’enfant. Nous restions là, les bras ballant, dans une ritualité inventée mais désincarnée, vide de toute spiritualité, mot à bannir bien sûr ….Ce fut pire quand mon père fut nommé en Mayenne pour une promotion, une carrière à laquelle il a tant sacrifié, carrière qu’il portait en ex-voto sur lui en permanence, mais une réussite faite d’amertume à l’aulne de ce qu’elle représenta de souffrance et d’humiliation. La Mayenne, pays chouan dont je ne compris plus tard la réalité qu’en lisant les deux versant de l’histoire, même romancée dans les chouans de Balzac et 93 de Victor Hugo. On m’avait menti, je me senti trahi, pour ça et pour bien d’autre choses du reste. Quand ma mère annonça à ses collègues et à moi dans le même temps ( ?) notre départ elle ne trouva à dire pour me parler de ce pays que : Antoine, la Mayenne c’est le pays de ? De ? Mais du bocage, voyons !!!! Oui évidemment, du bocage …..Nous étions partis de la petite école, bâtie au milieu des champs selon les indications de mon père, par le maire avisé de ce petit village de Touraine caché derrière la levée de la Loire, cette école « buissonnière » au sens littéral du terme, pour la ville de Tours afin de satisfaire aux exigences promotionnelles de la carrière de mon père. Bien plus tard quand mes parents revinrent pour leur retraite dans cette Touraine mainte fois chantée par les écrivains et par nos premiers roi, je remarquais une petite pointe d’amertume chez ma mère quand elle retrouvait d’anciens collègues qui, quant à eux n’avait fait que : « cultiver leur jardins » selon les termes de notre Voltaire national. Cet épisode citadin à Tours, dans une barre, comme on en faisait à l’époque, fut des plus tristes, la première blessure, la première déchirure dans le voile de l’enfance.

La Mayenne, me redonna vie, comme à un noyé qui goulûment inspire cet air qui lui manqua, une délivrance. Et je découvris Jublain , « camp gallo-romain » pour ma mère , résurrection campagnarde pour moi , quand je retrouvais , des champs ,des enfants qui allait jouer dans le vénérable chêne du presbytère auxquels je me joignais avec le goût d’un plaisir interdit . La classe de ma mère donnait directement sur les pâturages. C’est à Jublain que je reçu mon petit vélo.

Les petits vélos, ils arrivèrent après une longue attente qui nous voyait au seuil du garage à l’odeur entêtante de cambouis, quêter le signe de tête du patron qui nous dirait qu’ils étaient là. C’était un garage comme dans les vieux films des années 50 avec la vénérable pompe devant et un savant désordre d’où la tête hirsute du mécanicien surgissait en examinant d’un air septique la vieille dauphine de ma mère qui chauffait. Vous pourriez peut être faire le niveau d’huile de temps en temps, non ? Pour moi c’était comme l’entrée des enfers, et terrifié j’attendais bien sagement sur le seuil du hangar

Un jour se fut un oui, et nous les découvrîmes ; un jaune pour moi un bleu pour Didier. Il y eut il émotion plus forte dans ma vie plus tard, je ne sais. Nous partîmes sur les chemins vicinaux maculés de bouses de vache, dans les chemins creux du fameux bocage, dont mon père ne connaissait que la valeur militaire utilisée par les chouans.

En ce temps-là, les enfants étaient libres, pas de pédophiles ou du moins n’en parlait –on pas. Il leur était vivement conseillé de ne pas traîner dans les pattes des parents. Ce n’était pas l’enfant roi, adepte du consumering .Comme je le raconte souvent à mes enfants, je peux pratiquement faire la liste des jouets que j’ai eu dans mon enfance . Privilégié j’en avais 2 par an, anniversaire et noël ! Chacun me fut précieux. En revanche place à l’imagination et à l’aventure par champs, rues, ruelles, ruines, terrains vagues, comme dans « mon oncle » de Tati.

J’adore ce film, plein de tendresse qui décrit si bien l’arrivée des trente glorieuses, chaque détail m’est une « madeleine de Proust ».

Ce mobilier hideux qu’il était de bon ton d’avoir dans les familles « modernes », que nous avons dû traîner de déménagement en déménagement en espérant qu’un malheureux accident survienne ! Je me souviens notamment d’une lampe abat-jour comme on peut en voir un exemplaire dans les « gastons lagaffes » du début. Cette lampe aussi laide et incongrue soit elle est reliée à un souvenir bien particulier de mon enfance.

A cette époque, mon père en vue de devenir inspecteur de l’éducation nationale s’absentait de longues semaines à Paris pour préparer son concours d’admission. Ma mère, mon frère et moi nous retrouvions seuls, dans cette sinistre tour de la résidence « Marise Bastier » à Tours. Ma mère allait coudre ou tricoter près de cette lampe installée ( début de relégation ) dans notre chambre mais près de la « fenêtre» du moins était ce le pompeux titre qu’on lui attribuait .Cette proximité maternelle , cette intimité fût unique et jamais renouvelée , j’en garde un souvenir ému .

Ces voitures si peu aérodynamiques, mais d’un charme réel avec leurs ailes, leurs grand feux stop, leurs calandres agressives. Ainsi l’aronde de mon père me hante toujours. Dans un rêve à la sémiologie freudienne, je la conduisais seul avec mon frère Ce rêve que j’ai fait à) cette époque je m’en souviens encore .Quelle problématique essayait il de résoudre, je l’ignore toujours

Les culottes courtes que j’ai porté jusqu’au cm2 compris !!!

Et puis cette musique avec accordéon qui évoque si bien les gamins espiègles qui jouaient dans les rues, gamins dont Pierre Perret fera l’éloge dans les colonies de vacances.

Où s’arrêter, où commencer, il y aurait tant de choses à raconter sur cette petite enfance qui fonda ma personnalité et dessinait déjà les prémisses de mon destin ; tant de souvenirs se bousculent, tous si important à mes yeux, si futiles à ceux des autres .Certes cela tient de l’autoanalyse mais précisément j’ai encore tant à découvrir sur le pourquoi, avant de partir, et je sais que la clef est là.

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